Le Sujet :
Dans Juste la Fin du Monde, les personnages cherchent-ils à s'affronter ou à se fuir ?
Vous répondrez à cette question dans un développement argumenté et illustré d'exemples tirés de l'œuvre.
N'hésitez pas à aller voir ma vidéo d'analyse du sujet où je vous livre les clés pour réussir votre dissertation sur Juste le fin du monde :
Problématique :
Est-ce que les conflits et les tensions entre les personnages prennent sur scène la forme de confrontations directes ?
Annonce de plan :
Il est vrai que cette pièce montre à son spectateur une crise où s’entrechoquent les égos et personnalités des membres d’une même famille. Mais les personnages cherchent aussi à fuir, à s’esquiver et à éviter la confrontation. En fait, la pièce met surtout en scène un échec de la communication qui mène à ces évitements et ces confrontations violentes.
I - Une crise où s’entrechoquent les égos et personnalités des personnages
a) Le retour de Louis éveille les conflits.
C’est l’occasion de se dire en face des désaccords, de s’accuser :
- Suzanne dit à Louis dans la scène 3 de la partie 1 : « Ce n'est pas bien que tu sois parti, parti si longtemps, ce n'est pas bien et ce n'est pas bien pour moi et ce n'est pas bien pour elle (elle ne te le dira pas) et ce n'est pas bien encore, d'une certaine manière, pour eux, Antoine et Catherine. ».
- Antoine, après avoir perdu le contrôle, attaque Louis non seulement verbalement, mais pour la première fois physiquement : « Louis : Ne pleure pas / Antoine : tu me touches : je te tue » (II,2) [Caïn et Abel ?]
b) Ce retour met en lumière des tensions entre les autres personnages
- Quand Suzanne montre sa joie de revoir Louis après tant d’années, Antoine dit de sa sœur : “on dirait un épagneul”.
- Suzanne remet en cause l'emploi du vouvoiement par Catherine : « Tu vas le vouvoyer toute la vie », (I,9) Antoine prend alors la défense de sa femme, et cela déclenche une dispute entre le frère et la sœur.
c) La scène théâtrale est un lieu privilégié pour montrer les antagonismes, les conflits manifestes
- « Il faut aller au théâtre comme on va à un match de football, de boxe, de tennis. » (Eugène Ionesco, Notes et contre-notes, 1962)
- Dans l’accueil hostile qu’il réserve à son frère, les accusations qu’Antoine formule sont des coups portés à Louis : “Tu ne me connais plus, il y a longtemps que tu ne me connais plus, tu ne sais pas qui je suis, tu ne l’as jamais su.” (I,11)
II - Les personnages cherchent aussi à fuir, à s’esquiver et à éviter la confrontation.
a) Résignés ou en colère, ils fuient toujours le débat, la dispute directe
- Après des insultes lancées à son frère Antoine, Suzanne quitte la pièce :
“Merde, merde et merde encore ! Compris ? Entendu ? Saisi ?” (I, 9)
- quelques secondes plus tard, c’est au tour d’Antoine de craquer :
“Antoine. - Tous les mêmes, vous êtes tous les mêmes ! Suzanne ! Catherine. - Antoine ! Où est-ce que tu vas ?
b) Certains ne pensent qu’à s’en aller
- Au début de la partie II, Louis annonce dans un monologue qu’il va repartir sans avoir dit de ce qu’il était venu annoncer :
“je demandai qu’on m’accompagne à la gare, qu’on me laisse partir.”
- Catherine parle de sa vie avec sa mère :
“J'habite toujours ici avec elle. Je voudrais partir, mais ce n'est guère possible …” (I,3)
c) D’autres tentent d’apaiser la situation
- Catherine rappelle qu’Antoine et elle ont nommé leur fils “Louis”, comme leur oncle.
- “LOUIS : Vous ne dites rien, on ne vous entend pas, CATHERINE : Pardon, non, je ne sais pas. Que voulez-vous que je dise ?” (I, 6)
III - C'est l’échec de la communication qui mène à ces évitements et ces confrontations violentes.
a) C’est le silence de Louis, son impossibilité à avouer sa maladie à ses proches qui est à la source de son malaise, de sa paralysie verbale.
À la fin de la pièce, Louis n’est toujours pas parvenu à dire la triste nouvelle :
“Je devrais pousser un grand et beau cri [...] mais je ne le fais pas” (épilogue - Louis)
b) La violence au cœur des alliances et l’absence de communication
“Qu'est-ce que j'ai dit ? Je ne t'ai rien dit, je ne lui dis rien à celui-là, je te parle ?” (I,1 Suzanne à Antoine).
c) Finalement, Juste la fin du monde est aussi une pièce qui nous montre à quel point les conflits familiaux peuvent être incommunicables :
“Rien jamais ici ne se dit facilement.” (II, 3 - Antoine)
Conclusion
En conclusion, les personnages de Juste la fin du monde s’affrontent dans chaque scène, et la pièce met en avant les tensions familiales à travers des insultes, des accusations, des provocations nombreuses. Mais il ne faudrait pas oublier que les conflits mènent aussi à des stratégies d’esquive de la confrontation et à des volontés de départ. Finalement, la pièce révèle que l’origine et la conséquence de ces deux manifestations opposées, c’est l’expérience de l’incommunicable. Louis, Suzanne, Antoine, leur mère et Catherine, sont donc pris dans un cercle vicieux qui entretient le malentendu.
Idée d'ouverture : Gilbert Grape, film de Lasse Hallström :